Rien / Janne Teller
Autant le dire d'entrée : Rien, c'est quelque chose ! Impossible de rester indifférent.
Au départ, le jeune Pierre Anthon abandonne sa classe de 4ème pour aller se percher sur un prunier parce qu'il considère que rien n'a de sens. Chaque jour, tel Diogène depuis son tonneau, il interpelle ses camarades sur le sens de leur vie. Ceux-ci finissent par décider de bâtir un mont de signification en apportant l'un après l'autre ce qui leur paraît important. L'entreprise tend vite vers la perversité car c'est celui qui dépose quelque chose qui décide de ce que le suivant devra apporter : ainsi, on passe progressivement d'un ballon à un vélo, un télescope, pour aller vers le tapis de prière d'un jeune musulman, le cercueil d'un petit frère, le Christ en croix de l'église, la virginité d'une des filles, le doigt d'un garçon. Ce dernier parle enfin aux adultes, qui interviennent de manière maladroite. La presse s'emparant de l'affaire, des critiques d'art argumentent pour qualifier le mont de signification d'œuvre d'art, ce qui le fait devenir un objet vendable. Pierre Anthon a beau jeu de faire remarquer aux autres que s'ils acceptent de vendre la signification, c'est précisément que ce n'est pas « la signification ». Mais cette idée est insupportable et la violence se déchaîne alors, jusqu'au lynchage et à la mort. Peut-être lors des obsèques, les adolescents perçoivent-ils qu'en tuant ils ont donné sens à la vie ? Ce n'est pas dit de manière explicite, on peut le penser si on est optimiste...
Le récit, qui tient du conte philosophique plus que du roman réaliste, est écrit du point de vue d'Agnès, une des élèves de la classe de 4ème. L'auteur se permet ainsi d'écrire dans une langue simple sur un sujet difficile, et avec un style rapide, souvent froid et distant. Plus qu'une réflexion sur la psychologie des adolescents, ce texte porte un questionnement métaphysique profond mais qui pourrait bien dépasser de nombreux élèves de nos classes de 4ème, car il faut beaucoup de recul pour décider de donner sens à sa vie malgré tout. Livre très fort, à conseiller plutôt aux grands ados ainsi qu'aux adultes.
Rien = Intet [texte imprimé] / Janne Teller, Auteur ; Laurence W. Ø Larsen, Traducteur . - Paris (63, boulevard de Ménilmontant, 75011) : Ed. des Grandes Personnes, 2012 . - 138 ; 13x23 cm. ISBN : 978-2-36193-135-3 : 13.50 EUR Langues originales : Danois (dan)
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Marie-Paule DESSAIVRE
Autant le dire d'entrée : Rien, c'est quelque chose ! Impossible de rester indifférent.
Au départ, le jeune Pierre Anthon abandonne sa classe de 4ème pour aller se percher sur un prunier parce qu'il considère que rien n'a de sens. Chaque jour, tel Diogène depuis son tonneau, il interpelle ses camarades sur le sens de leur vie. Ceux-ci finissent par décider de bâtir un mont de signification en apportant l'un après l'autre ce qui leur paraît important. L'entreprise tend vite vers la perversité car c'est celui qui dépose quelque chose qui décide de ce que le suivant devra apporter : ainsi, on passe progressivement d'un ballon à un vélo, un télescope, pour aller vers le tapis de prière d'un jeune musulman, le cercueil d'un petit frère, le Christ en croix de l'église, la virginité d'une des filles, le doigt d'un garçon. Ce dernier parle enfin aux adultes, qui interviennent de manière maladroite. La presse s'emparant de l'affaire, des critiques d'art argumentent pour qualifier le mont de signification d'œuvre d'art, ce qui le fait devenir un objet vendable. Pierre Anthon a beau jeu de faire remarquer aux autres que s'ils acceptent de vendre la signification, c'est précisément que ce n'est pas « la signification ». Mais cette idée est insupportable et la violence se déchaîne alors, jusqu'au lynchage et à la mort. Peut-être lors des obsèques, les adolescents perçoivent-ils qu'en tuant ils ont donné sens à la vie ? Ce n'est pas dit de manière explicite, on peut le penser si on est optimiste...
Le récit, qui tient du conte philosophique plus que du roman réaliste, est écrit du point de vue d'Agnès, une des élèves de la classe de 4ème. L'auteur se permet ainsi d'écrire dans une langue simple sur un sujet difficile, et avec un style rapide, souvent froid et distant. Plus qu'une réflexion sur la psychologie des adolescents, ce texte porte un questionnement métaphysique profond mais qui pourrait bien dépasser de nombreux élèves de nos classes de 4ème, car il faut beaucoup de recul pour décider de donner sens à sa vie malgré tout. Livre très fort, à conseiller plutôt aux grands ados ainsi qu'aux adultes.