Le Petit Chaperon rouge [texte imprimé] / Myriam Mallié, Auteur ; Myriam Mallié, Illustrateur . - Noville-sur-Mehaigne (9 rue de Noville, 5310, Belgique) : Esperluète, 2009 . - 56 ; 11x19 cm. ISBN : 978-2-35984-000-1 : 11.50 €
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Myriam Mallie a choisi de conter une version sans complaisance du Petit Chaperon Rouge, celle de la tradition orale que Charles Perrault a par la suite édulcorée et "moralisée". Elle met ainsi en évidence une histoire de femmes, de filles qui doivent quitter leur mère et grandir en se confrontant aux désirs et à la peur, à la cruauté du monde, pour y prendre leur place.
La conteuse interroge les blancs du récit, les commente et les interprète. Elle nous donne à voir une mère qui envoie sciemment sa fille au devant du danger, en l'habillant de ce rouge qui tout à la fois la distingue et la protège, parce qu'elle sait que l'épreuve est nécessaire, et parce qu'elle a confiance dans la capacité de sa fille à la surmonter. La fillette, selon l'auteur, est prête à couper le cordon, au sens propre comme au sens figuré, mais il faut cette histoire pour l'en rendre consciente. Le loup, quant à lui, est conforme à sa noirceur : il étrangle la grand-mère et en fait une cuisine au sang qu'il déguste avant d'inviter le Chaperon Rouge à la goûter à son tour.
La fillette mange donc sa grand-mère, parce que l'amour est dévorant, celui des mères comme celui des enfants. Ce faisant elle s'affranchit également d'une tutelle. Et si elle doit jeter au feu chacun de ses vêtements avant de rejoindre le loup dans son lit, c'est que pour elle commence une autre histoire, sans déguisement, sans identité d'emprunt : cette nudité rend possible en effet la prise de conscience brutale de la réalité du loup, qui provoque à son tour la capacité de la fillette à choisir la fuite.
Aidée alors par la communauté des femmes qui savent de quoi il retourne, elle revêt de nouveaux habits et devient libre d'aller, de faire des projets, de quitter sa mère pour vivre sa vie de femme...
Myriam Mallie signe également les illustrations de cet album, sur doubles pages, toutes les quatre pages. Elles représentent un large lit, toujours le même, où la couleur rouge, qui tranche avec le noir de l'arrière- plan, laisse plus ou moins d'espace aux éclats de blanc des draps, et semble, au fil du récit, s'étaler et se resserrer, se gonfler et se déplier, comme une pulsation du texte. La scène du lit est en effet la plus intense dans ce conte, celle où tout bascule, et son évocation en rouge et noir est saisissante.
Cette version du conte, certes crue et sans concessions, est résolument émancipatrice, et c'est sa force.
La version du Petit Chaperon rouge choisie par Myriam Maillé est crue, réaliste, éducative. Elle s'inspire du conte originel, de tradition orale, précédant la version écrite, plus édulcorée, de Charles Perrault.
Myriam Maillé, par ses interrogations et son interprétation, donne à cette histoire de "femmes" un sens éducatif, même thérapeutique dans certains cas. Elle se dit que si la mère laisse sa fille partir seule en connaissant les risques encourus, c'est bien pour qu'elle acquière de l'autonomie et s'affranchisse de la peur du loup ; que si la petite fille choisit le chemin de la frivolité, c'est qu'elle se sent libre et capable d'assumer ses choix. Si la grand-mère se fait manger par la petite fille, c'est que celle-ci sait rompre avec le poids des générations. Petit Chaperon rouge est devenue grande et le loup est bien penaud !
L'auteur a aussi réalisé les illustrations. Elles représentent toutes un large lit rouge et noir qui apparaît toutes les quatre pages presque toujours identique. Elle veut sans doute signifier que la scène du lit est la plus importante dans l'histoire. C'est là que la petite fille gagne sa liberté, son indépendance, prend en main son destin et devient adulte.